Fier d'être menuisier
Ah il est loin le temps où Roubo était acclamé par la foule ! (ci contre)
Et oui, la menuiserie souffre de nos jours d'une image un peu ringarde voire vieillotte. Pas aussi glamour que la photo, moins classe que les discussions intellectuelles, moins populaire que le foot, notre passe temps favori paraît un peu désuet. Il y a toujours un peu de condescendance dans le regard de la personne à qui vous annoncez fièrement que vous vous passionnez pour les rabots et les copeaux !
« Il y a encore des gens qui font ça ? »
« La menuiserie, c'est juste bon pour occuper les retraités non ? »
« Le plastique c'est bien plus fantastique !»
C'est parfois limite si l'on ne vous inviterait pas à un dîner pour en parler...
Comment expliquer ce désamour ?
Je pense que l'une des principales raisons vient du fait que la menuiserie est associée aux meubles Louis XV des musées, à l'armoire de grand mère ou encore à la cuisine vieillissante en chêne massif de Tante Huguette.
Il faut se rendre à l'évidence, les meubles fin Giscard début Mitterrand ne font plus rêver et les bahuts sculptés ne trouvent plus beaucoup d'intérieurs aptes à accepter leur style désormais considéré trop lourd.
Même si ces meubles sont d'une qualité bien supérieure à ce que l'on trouve généralement de nos jours en magasin, les armoires en vrai bois du bon coin sont bien moins chères que les tas de mélaminé en forme de placard des vendeurs d'aujourd'hui. Certes les premières rendent bien des années aux seconds mais leur désamour provient avant tout de leur style. Elles ont pourtant demandé beaucoup plus de travail...
Si l'on ajoute à cela le fait que la menuiserie est une activité manuelle (ce qui n'est pas toujours apprécié à sa juste valeur) et le fait que sa pratique soit plutôt solitaire, on comprend pourquoi elle ne trouve pas vraiment grâce aux yeux de nos concitoyens.
Et pourtant... nous sommes de plus en plus nombreux sur les forums pour échanger et se rencontrer.
Pourtant, le bricolage a la cote. De plus en plus de gens se mettent à fréquenter les magasins de bricolage et l'on voit même certains cadres abandonner leur poste pour revenir à des métiers plus « concrets »
Pourtant, à l'heure du développement durable, le matériau bois a des avantages écologiques indéniables. Je parle bien sûr ici du bois massif, pas des panneaux de particules dont une partie est certes renouvelable mais qui a une fâcheuse tendance à relâcher des composés organiques volatiles dans l'air de nos logements.
Pourtant les industriels ne s'y trompent pas et développent de nouvelles techniques comme le soudage par friction ou la découpe laser et montrent que le bois est un matériau du 21ième siècle. On fabrique même des montres ou des vélos en bois !
Bien sûr les amateurs que nous sommes devons pour l'instant laisser ces techniques aux professionnels mais les designs innovants sont tout de même à notre portée : Que se soient les lignes épurées d'une zénitude branchée, les courbes douces travaillées à la main ou les ondulations permises par le lamellé collé, tout est possible.
L'association du bois au verre, au métal, l'inclusion de lumière grâce aux leds dans la conception du meuble sont autant de pistes à explorer.
Alors osons l’innovation et ne copions pas les meubles du marché : les firmes industrielles les font bien mieux et bien moins cher que nous !
Diffusons auprès de nos proches notre vision de la menuiserie et essayons de moderniser l'image de marque de notre activité.
Je rêve de meubles beaux, bien faits, bien finis, durables et qui donnent envie aux gens de les garder longtemps. Bien sûr comme je l'exposais en début d'article, les modes passent mais de là à changer de meubles tous les 5 ou 10 ans, il y a une marge.
L'équilibre entre temps de réalisation, qualité, durabilité, design et prix est difficile à trouver mais c'est un défi intéressant !
Cela dit je ne préconise pas ici une révolution :
Nous sommes en effet à mon avis les gardiens de techniques, d'astuces qui ne s'acquièrent plus guère dans les écoles où l'on préfère enseigner les méthodes de l'industrie, rentabilité oblige.
Il faut absolument conserver les procédés d'assemblage traditionnels qui ont fait leurs preuves. Un chevillage à la tire par exemple battra en solidité et en durabilité toutes les colles de la terre. Les techniques artisanales et l'amour du travail de qualité doivent perdurer.
Je pense que c'est à nous amateurs qu'il incombe de les garder vivantes et d'impulser une hausse des standards qualitatifs.
Notre rôle est de prendre le meilleur des meubles anciens et de le faire évoluer vers la modernité.
J'avoue que ce grand écart entre modernité et tradition n'est pas évident mais c'est un beau défi. Si l'on ajoute à cela le fait de se sentir membre de la belle communauté du bois que nous formons, alors oui aujourd'hui je suis fier d'être menuisier !